mercredi 18 janvier 2012


Igor Mitoraj


Mythes, archéologie et détours par l’antique : aux origines de la sculpture.

Igor Mitoraj est un sculpteur polonais à la renommée mondiale. Né en 1944 à Oederan, en Allemagne, il effectue tout d’abord ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, en Pologne, où il est l’élève de Tadeusz Kantor, grand artiste, sculpteur et homme de théâtre polonais. C’est qu’il tirera sans doute de cette proximité avec le théâtre sa fascination pour les mythes antiques et pour les visages en ruines, qui rappellent les masques des persona dramatiques, mais aussi son intérêt pour les peuplades du bout du monde et d’un autre temps, tel Artaud ou Nietzsche pour le théâtre. Après un bref séjour en France et en Italie, il part au début des années 1970, à l’âge de 27 ans, au Mexique, où il commence à sculpter et à se passionner pour l’art précolombien. De retour en Europe en 1974, il réalise sa première exposition à Paris, à la Galerie La Hune, en 1976. Trois ans plus tard, il se rend cette fois en Italie, en Toscane. À Carrare, lieu du célèbre marbre, à la blancheur et à la pureté si prisées dans l’Antiquité, Igor Mitoraj débute alors une nouvelle étape de sa sculpture, renouant cette fois avec les racines de la statuaire de l’Antiquité romaine. En 1983, il installe même son atelier à trente kilomètres de Carrare, à Pietrasanta, ville de Toscane qui, comme son nom l’indique – littéralement « pierre sainte » en italien – est consacrée depuis l’Antiquité à la sculpture.
Igor Mitoraj, sculpture, installation© Igor Mitoraj.Igor Mitoraj, sculpture, installation© Igor Mitoraj.Igor Mitoraj, sculpture, installation© Igor Mitoraj.Igor Mitoraj, Centurion I 1997, sculpture, installation © Igor Mitoraj, Centurion I (1997).Igor Mitoraj, Dedalo, 1997, sculpture, installation© Igor Mitoraj, Dedalo (1997).
C’est que le nouveau langage artistique qu’il élabore emprunte directement à la statuaire antique, latine mais aussi grecque. De là, des statues monumentales en marbre – tout droit extrait des carrières historiques de Carrare – représentant bustes d’hommes, visages, corps entiers ou fragmentés, dans un double mouvement de néoclassicisme et de retour à l’antique d’une part, et de destruction et ruine du modèle de l’autre, par une fragmentation et un éclatement des corps radicalement postmodernes. Les hommes et femmes représentés renvoient, eux aussi, à l’Antiquité et aux grands mythes : Dédale, Éros, Icare, Œdipe… Igor Mitoraj propose ainsi, dans la lignée du théâtre de la seconde moitié du XXème siècle (Giraudoux, Kane, etc.) ou de certains « nouveaux romans » (d’ailleurs d’inspiration théâtrale, tel Les Gommes de Robbe-Grillet, dont l’exergue initiale constitue en la réécriture d’une phrase de l’Oedipe de Sophocle), une relecture de la société contemporaine à l’aune des mythes antiques – en retour confrontés violemment au monde moderne. Comme l’écrit Claudio Malberti, « dans les sculptures complètes (en général des têtes), on admire la grâce virile du modelé (qui n’est pas une contradiction) et surtout les patines insolites et chargées d’une sensualité modérée mais palpitante. Dans les sculptures tronquées ou déchirées, au contraire, prévaut une dimension dramatique et dynamique. Ces déchirures dans les torses et dans les têtes, sont comme de grandes blessures béantes, qui sont là pour témoigner toute la fragilité et toute la précarité de l’existence humaine » (dans Igor Mitoraj, Milan, Art-Objet, 1986). Igor Mitoraj représente ainsi des corps de héros ou de dieux grecs mythiques en ruines, en chute libre ou fragmentaires, à l’état de vestiges archéologiques. La sculpture procède ainsi d’une esthétique de la ruine et du vestige archéologique pour mieux proposer, par ces corps et mythes fissurés et anachroniques, par ce détour à l’antique, un nouveau regard sur le monde contemporain. Enfin, outre la dimension archéologique et la ruine néoclassique, il faut souligner d’une part la finesse de la sensibilité et de l’expressivité de ses corps sculptés, entre érotisme et violence, ainsi qu’un important travail d’inclusion et de mise en abîme qui vient miner de l’intérieur le réalisme de la représentation : de nombreux portraits et visages réduits viennent s’incorporer aux corps monumentaux sculptés, dans les cuisses ou la poitrine, derrière un morceau d’épaule ou un fragment de visage. Igor Mitoraj propose non seulement ainsi une relecture des mythes anciens – où les dieux peuvent naître de la cuisse même de Jupiter – mais crée aussi le vestige et le vertige de corps imbriqués les uns sur les autres, travail allégorique et symbolique participant de ce nouveau regard. Des statues monumentales, souvent situées dans l’espace public de la ville, et donc dans un espace politique, renouant en cela avec les origines grecques de l’art. Ceci montre la volonté d’Igor Mitoraj de faire interagir le public avec des oeuvres qui peuvent constituer en elle-même un espace de déambulation ou s’inscrivant au sein d’un espace de déambulation quotidien – du parvis de la Défense à Paris, au coeur des villes japonaises ou du sud de la France, jusqu’aux sites historiques méditerranéens.
Igor Mitoraj, Tindaro, 1997, sculpture, installation© Igor Mitoraj, Tindaro (1997).Igor Mitoraj au Jardin des Tuileries, Paris, 2004, sculpture, installation© Igor Mitoraj (au Jardin des Tuileries, Paris, 2004).
Igor Mitoraj au Jardin des Tuileries, Paris, 2004, sculpture, installation© Igor Mitoraj (au Jardin des Tuileries, Paris, 2004).
Igor Mitoraj (au Jardin des Tuileries, Paris, 2004, sculpture, installation© Igor Mitoraj (au Jardin des Tuileries, Paris, 2004).
Igor Mitoraj à Agrigente, Sicile, 2011, sculpture, installation© Igor Mitoraj (à Agrigente, Sicile, 2011). Igor Mitoraj à Agrigente, Sicile, 2011, sculpture, installation© Igor Mitoraj (à Agrigente, Sicile, 2011).Igor Mitoraj (à Agrigente, Sicile, 2011) sculpture, installation© Igor Mitoraj (à Agrigente, Sicile, 2011).Igor Mitoraj sur le parvis de la Défense, Paris, sculpture, installation© Igor Mitoraj (sur le parvis de la Défense, Paris).
Igor Mitoraj à Agrigente, Sicile, 2011, sculpture, installation © Igor Mitoraj (à Agrigente, Sicile, 2011).
Igor Mitoraj est devenu, durant ces dernières années, l’un des sculpteurs contemporains les plus reconnus et célèbres – notamment en France, où il travaille depuis de nombreuses années. Il a ainsi exposé aux Etats-Unis, au Japon, en Italie et tout particulièrement en France (au Jardin des Tuileries à Paris en 2004 ; à Aix-en-Provence en 2010, où 18 sculptures monumentales se trouvaient réparties dans tout le centre-ville ; mais aussi sur le parvis de la Défense avec, depuis 1997, une tête monumentale intitulée Tindaro devant la tour KPMG, puis, depuis 2000, trois nouvelles sculptures : Ikaria, devant la tour Adria ; Ikaro, devant la tour Ernst & Young ; etCenturion, devant la tour Fiat). Certaines de ses œuvres ont été aussi présentées dans des lieux historiques et archéologiques prestigieux, instaurant un dialogue spécifique avec l’art de l’Antiquité : en 2011, dans la Vallée des Temples à Agrigente, en Sicile.
Catherine Giuli via Boum Bang

mardi 17 janvier 2012

Les horizons de Sze Tsung Leong


Le photographe américain Sze Tsung Leong prend en photo des paysages un peut partout sur la planète qui sont reliés entre eux par la présence de l’horizon au même endroit sur chaque image.














BACKSTAGE (RETOUR DE STAGE) / EXPERIENCES PARTAGEES


Il est du principe de l’œuvre d’art d’avoir toujours été reproductible. Ce que des hommes avaient fait, d’autres pouvaient toujours le refaire. Walter Benjamin – L’œuvre d’Art à l’Epoque de sa  Reproductibilité Technique (1935)
La Backslash Gallery présente actuellement une exposition collective formée de plasticiens, d’architectes, de graphistes et de stylistes. La galerie a confié le commissariat de cette nouvelle exposition à l’artiste Mathieu Mercier (né en 1970, vit et travaille à Paris) qui déploie depuis les années 1990 une réflexion formelle et conceptuelle sur l’objet, sa fonction, sa valeur et son mode de production. C’est d’ailleurs dans la continuité de ses propres recherches qu’il a pensé l’exposition : transdisciplinaire, modulable et critique. Chacun des vingt-quatre participants a effectué un séjour, une formation, une mission dans son atelier au cours des dix dernières années. Là, ils ont chacun été confronté à la « logique de travail » de Mathieu Mercier.[1] Backstage (retour de stage) est alors une exposition d’ouverture sur ces échanges plastiques et théoriques réalisés entre un artiste confirmé et des artistes en devenir.
L’exposition est construite sur une  réflexion autour de l’objet, de son rapport à l’espace et de son mode de  production. Il est alors de question de la reproductibilité et de la valeur de  ces objets. La sphère domestique, quotidienne, jour un rôle moteur dans  l’élaboration des œuvres. Ainsi les artistes font de choix de mediums triviaux,  communs et génériques. Sur le sol du rez-de-chaussée de la galerie sont  disposées des étoiles déchues, 1,2,3 … (2011). Les étoiles en béton armé produites par Laura Bru, jouent sur un  principe de contradiction : associer le béton, matière lourde de construction,  aux étoiles, qui, dans l’imaginaire collectif est pensée comme légère, lumineuse  et mythique. L’œuvre donne le ton de l’exposition qui trouble les frontières  perceptuelles, matérielles et conceptuelles.
Nous y décelons la trace des artistes  constructivistes, minimalistes, mais aussi de Marcel Duchamp, qui, exerce une  influence considérable sur la pratique de Mathieu Mercier. Comme le prouve  l’œuvre intitulée Faux Miro (2012).  Thomas Muller, commissaire priseur, est l’heureux propriétaire d’un faux de Juan  Miro. Sur la demande de Muller, le verre de l’encadrement de l’œuvre a été  retravaillé par Mathieu Mercier. Dans ses Notes, Marcel Duchamp a écrit : « « Acheter ou prendre des tableaux connus ou pas connus et les signer du nom d’un  peintre connu ou pas connu – La  différence entre la ‘facture’ et le nom inattendu pour les ‘experts’, – est l’œuvre authentique de Rrose Sélavy,  et défie les contrefaçons. »[2] L’œuvre porte aujourd’hui la fausse  signature de Miro sur laquelle est surimposée la véritable signature de Mercier.  Muller est donc l’heureux propriétaire d’un faux Miro et d’un authentique  Mercier. Un jeu de superposition qui nous amène à nous interroger sur  l’authenticité non seulement de l’œuvre d’art, mais de l’objet de manière  globale.
L’aura de Marcel Duchamp plane dans  l’ensemble des productions exposées. Ainsi l’œuvre de Frédéric Pradeau réactive  l’idée des Rotoreliefs duchampiens au  moyen d’une série enjoliveurs extraits du modèle de la Xsara Picasso (Rotorelief Marcel Duchamp sur enjoliveur  Xsara Picasso, 2002). L’artiste joue sur un discours polysémique, puisqu’il  utilise un objet sériel, l’enjoliveur, en y inscrivant deux grands noms de l’art  moderne, Duchamp et Picasso. Le nom de Picasso, associé à la voiture, devient  une simple marque. Le nom est vidé de son contenu artistique, esthétique et  historique. François-Thibaut Pencenat, lui, prend le contre-pied du ready-made. Sans titre (planches) -2010, est le  fruit d’une collecte de planches sur les trottoirs parisiens, dont il a ensuite  réalisé des moules en plâtre. Il a coulé une couche de résine de polyester dans  les moules. Le résultat est une empreinte des planches initiales. L’artiste a  produit des copies de rebuts pour en faire une œuvre fragile, minimaliste et  graphique.
Superposition et travail en creux sont  deux systèmes adoptés par plusieurs artistes de l’exposition. Pierre Paulin  présente sur deux tables, une série de magazines (presses masculines et  féminines) collectés dans les gares lors de ces déplacements en 2009, desquels  il extirpe des cibles colorées en découpant, évidant et sélectionnant les pages.  Une œuvre abstraite surgit des magazines, dont les couleurs subsistantes forment  un portrait, une identité. Un travail en creux qui fait échos aux peintures de  Clarence Guena qui appose sur ses toiles, des couches successives de peintures,  dans lesquelles il creuse des sillons, formant ainsi des strates colorées à  travers lesquelles nous y parcourons une histoire de l’art abstrait et  expressionniste abstrait.
L’idée de l’œuvre modulable est  également présente dans les travaux d’Enrico Assirelli, Laura Bru, Xavier  Theunis, Laurent Kropf, Pierre Antoine et du collectif d’architectes de la Ville  Rayée. Une mosaïque de fragments de jeans usées cousus entre eux, des étoiles en  béton armé, une taule ondulée semblable à un rideau lumineux, un diamant en  linoléum dont la forme éclatée se propage au sol, les manuscrits de Proust pliés  et dépliables à l’infini et des maquettes architecturales produites à partir de  meubles préfabriqués. Marcel Duchamp écrivait en 1961 : « Un autre aspect du  ready-made est qu’il n’a rien d’unique… La réplique d’un ready-made transmet le  même message ; en fait presque tous les ready-mades existant aujourd’hui ne sont  pas des originaux au sens reçu du terme. »[3] Chacune de ces œuvres possède un  caractère modulable, extensible et flexible. Les œuvres s’adaptent littéralement  à l’espace et se métamorphosent en fonction du lieu. À terme, l’exposition  elle-même est redéfinissable, remodulable et dépliable à l’infini.
L’atelier de Mathieu Mercier est à  envisager comme un véritable laboratoire, un lieu d’échange où les idées et  territoires de recherches sont confrontés, associés et modulés. Backstage (retour de scène) est à la  fois une porte ouverte sur ce qu’il se passe à l’intérieur de cet espace de  dialogue, de formation et d’apprentissage, mais aussi une manière pour Mathieu  Mercier de parrainer ses élèves et de leur ouvrir une porte sur un milieu  difficile à pénétrer. Il est à noter que l’actualité de Mathieu Mercier est  double puisqu’il bénéficie d’une exposition monographique au Crédac (du 20  janvier au 25 mars 2012) sur laquelle Inferno aura l’occasion de bientôt  revenir.
Julie Crenn
Exposition Backstage (retour de stage), Commissariat de Mathieu Mercier, du 7 janvier au 25 février 2012, à la Backslash Gallery (Paris).
Liste des participants : Frédéric Pradeau, Mathias Schweizer, La Ville Rayée,  Thomas Muller, Enrico Assirelli, Laurent Kropf, Noëlle Papay, Pierre Antoine,  François-Thibaut Pencenat, Mehdi Abbioui, Nicolas Tubéry, Virginie Thomas, Simon  Ripoll-Hurier, Amélie Forestier, Wei Hou, Xavier Theunis, Astrid de Cazalet,  Pierre Paulin, Loup Sarion, Laura Bru, Nicolas Mussche, Clarence Guena, Aldéric  Trevel et Juliette Goiffon.
Plus d’informations sur l’exposition : http://www.backslashgallery.com/
Plus d’informations sur Mathieu Mercier  : http://mathieumercier.com/
1) REGNIER,  Philippe. « Entretien avec Mathieu Mercier » in Le Quotidien de l’Art, n°61, janvier 2012
2) DUCHAMP,  Marcel. Notes. Paris : Flammarion,  1999, p.105.
3) DUCHAMP,  Marcel. Duchamp du Signe. Paris :  Flammarion, 1994,  p.192.
Visuel : Mathieu Mercier / Drum & Bass Lafayette, 2005 / Etagère, serviettes rouges, pot à crayon bleu, rouleau de vinyl jaune 100 x 100 cm / Edition de 75 exemplaires / Courtesy Backslash Gallery, Paris.

lundi 16 janvier 2012

Thomas Grünfeld se passionne pour la décoration intérieure. Il réalise des tableaux-étagères ou encore des tables-juponnées ainsi que des poufs à la fonctionnalité improbable. Puis il compose ses premiers misfits, sorte de bestiaire inspiré de contes et légendes populaires bavarois, les Volpertigers et fait œuvre de taxidermiste. Ses misfits, véritables sculptures, sont des spécimens empaillés dont les configurations mélangent plusieurs espèces animales. Souvent exposés dans une vitrine, ces animaux hybrides s’inscrivent parfaitement dans la tradition des cabinets de curiosité de la renaissance qui traduisaient tous un intérêt particulier pour les phénomènes étranges, qu’ils soient naturels ou artistiques.
Création artificielle, cet animal est déroutant. Dérangeant, instrumentalisé, il est porteur de toutes sortes de fantasmes et ouvre la porte à un univers onirique dans lequel resurgissent aussi nos angoisses les plus profondes. Ses différentes hybridations animalesques ne sont pas sans résonance avec l’actualité scientifique, avec les manipulations et diverses mutations génétiques.


http://cinqmars.ca/category/photography/

Michel Foucault.
Of Other Spaces (1967), Heterotopias.

The great obsession of the nineteenth century was, as we know, history: with its themes of development and of suspension, of crisis, and cycle, themes of the ever-accumulating past, with its great preponderance of dead men and the menacing glaciation of the world. The nineteenth century found its essential mythological resources in the second principle of thermaldynamics- The present epoch will perhaps be above all the epoch of space. We are in the epoch of simultaneity: we are in the epoch of juxtaposition, the epoch of the near and far, of the side-by-side, of the dispersed. We are at a moment. I believe, when our experience of the world is less that of a long life developing through time than that of a network that connects points and intersects with its own skein. One could perhaps say that certain ideological conflicts animating present-day polemics oppose the pious descendents of time and the determined inhabitants of space. Structuralism, or at least which is grouped under this slightly too general name, is the effort to establish, between elements that could have been connected on a temporal axis, an ensemble of relations that makes them appear as juxtaposed, set off against one another, implicated by each other-that makes them appear, in short, as a sort of configuration. Actually, structuralism does not entail denial of time; it does involve a certain manner of dealing with what we call time and what we call history.

FOUCAULT.INFO: http://foucault.info/documents/heteroTopia/foucault.heteroTopia.en.html

via Fred l'épée

Steve Mills

Ceci n’est pas une photo.
Peintre photoréaliste né à Boston en 1959, Steve Mills a vendu sa première toile à l’âge de 11 ans. Cette précocité est révélatrice de son affinité, presque originelle, avec le pinceau.
Influencé par les grandes figures de l’hyperréalisme américain, Edward Hopper ou Norman Rockwell, il donne un caractère propre à son oeuvre en découvrant les tableaux d’Andrew Wyethet, plus tard, ceux de Richard Estes. Après avoir exploré la voie du paysagisme, il s’impose comme peintre du détail.
La virtuosité de sa technique atteint un réalisme tellement parfait qu’il en devient déroutant, trompeur pour l’oeil. La limite entre la photographie et la peinture est difficilement perceptible. Ses détails d’objets triviaux ressemblent à un morceau de bravoure. Les journaux empilés sont l’occasion d’un travail de rendu des textures du papier, de ses pliures et de son feuilletage, sorte de version moderne du motif des drapés classiques et de l’effusion de virtuosité qu’elles permettent. Les reflets de la lumière sur des siphons, leur transparence et leurs gouttelettes, sont autant de réverbérations infimes de la lumière que le peintre voit et peint; l’oeil précède la main dans cette oeuvre qui poursuit le gageure de rendre la minutie exhaustive du réel. Plus loin, une loupe posée sur un vieux livre lui permet de jouer de la déformation de la vision, des altérations de l’optique.
Cette loupe est un sorte de métaphore du peintre lui-même: en faisant un gros plan sur ces aspects du réel, par la force de son style, il en fait jaillir la dimension extraordinaire. Il semble nous montrer que le moindre morceau du monde recèle une infinie richesse de la matière, qu’il est un univers de sensations (visuelles, tactiles…) en soi. Et que le défi est grand pour qui veut en rendre le foisonnement. Il n’est pas besoin de grands sujets pour peindre la grandeur du monde: elle est perceptible dans le petit et le trivial. L’art est l’émule du monde. La nature morte est chargée de sens.
La mimesis est le domaine où règne le pinceau de Steve Mills.
Si vous aimez la peinture hyperréaliste, découvrez également les oeuvres de Dan Witz et de Jonathan Wateridge

Boum Bang